POESIES
PAYSAGE
PAYSAGE
Pas une feuille qui bouge
Pas un seul oiseau chantant,
Au bord de l'horizon rouge,
Un éclair intermittent :
D'un côté rares broussailles,
Sillons à demi noyés,
Pans grisâtres de murailles,
Saules noueux et ployés,
De l'autre, un champ qui termine
Un large fossé plein d'eau
Une vieille qui chemine,
Avec un pesant fardeau,
Et puis la route qui plonge
Dans le flanc des coteaux bleus,
Et comme un ruban s'allonge,
En minces plis onduleux.
THEOPHILE GAUTIER
Ce natif de Tarbes hésita longuement entre la peinture et la littérature.
Avec orgueil, le bon Theoo, le parfait magicien es lettres françaises, consacra sa vie et son oeuvre au culte de la beauté plastique.
LA NATURE
L'offrande à la nature
Nature au cœur profond sur qui les cieux reposent,
Nul n'aura comme moi si chaudement aimé
La lumière des jours et la douceur des choses,
L'eau luisante et la terre où la vie a germé.
La forêt, les étangs et les plaines fécondes
Ont plus touché mes yeux que les regards humains,
Je me suis appuyée à la beauté du monde
Et j'ai tenu l'odeur des saisons dans mes mains.
J'ai porté vos soleils ainsi qu'une couronne
Sur mon front plein d'orgueil et de simplicité,
Mes jeux ont égalé les travaux de l'automne
Et j'ai pleuré d'amour aux bras de vos étés.
Je suis venue à vous sans peur et sans prudence
Vous donnant ma raison pour le bien et le mal,
Ayant pour toute joie et toute connaissance
Votre âme impétueuse aux ruses d'animal.
Comme une fleur ouverte où logent des abeilles
Ma vie a répandu des parfums et des chants,
Et mon cœur matineux est comme une corbeille
Qui vous offre du lierre et des rameaux penchants.
Soumise ainsi que l'onde où l'arbre se reflète,
J'ai connu les désirs qui brûlent dans vos soirs
Et qui font naître au cœur des hommes et des bêtes
La belle impatience et le divin vouloir.
Je vous tiens toute vive entre mes bras, Nature.
Ah ! faut-il que mes yeux s'emplissent d'ombre un jour,
Et que j'aille au pays sans vent et sans verdure
Que ne visitent pas la lumière et l'amour.
Anna de Noailles.
QUAND LA MER SE DECHAINE
Quand la Mer se déchaîne !...
Que la mer est belle avec ses blancs moutons
Mais soudain, elle se change en mégère impromptue : Fantastique et sublime,
semblable à mille démons
Qui fondent sur les maisons et font trembler les nues !
Dans un ciel assombri, déchiré par l' éclair,
Le vent et le tonnerre font plier les grands arbres,
Ballottant les oiseaux qui cherchent un repaire.
Neptune et Jupiter, ont réuni leurs armes !
L'homme seul, au milieu des éléments déchaînés
Doit lutter pour sa vie et sauver son bateau,
Face aux furies infernales si déterminées,
Qui veulent à tout prix : l'emmener au fond des eaux...
Pauvres marins luttant contre : vague et orages,
Il vous reste " un ami - un guide sur la terre "
Debout sur les rochers, tout au bord du rivage,
Un ange solitaire scintille dans les ténèbres.
Seul, Stoïque, le gardien de phare - coupé du monde,
Assume et reste là... pour que les autres vivent !
Harcelé de milliers de lames qui l'inondent,
L'encerclent, l'agrippent et meurent en vaines offensives !
Là où finit la terre, la mer a son royaume !
Belliqueuse : elle monte jusqu'au toit des maisons
Elle envahit les quais, et roule sur les chaumes,
Bousculant sur la digue les curieux de saison.
Le port avec ses rues sont recouverts d'écume,
Comme en pleine montagne, on marche dans la neige !
La mer est mécontente et montre sa rancune,
Mais les vieux loups de mer, connaissent bien son manège !
Déesse irascible, elle veut des sacrifices..
En sortant de son lit, comme une amante cruelle,
Elle emporte avec elle les meilleurs de nos fils !
LE CHAT
LE CHAT
LE CHAT
Dans ma cervelle se promène
Ainsi qu'en son appartement,
Un beau chat, fort, doux et charmant.
Quand il miaule, on l'entend à peine.
Tant son timbre est tendre et discret,
Mais que sa voix s'apaise ou gronde,
Elle est toujours riche et profonde
C'est là son charme et son secret.
Cette voix, qui perle et qui filtre
Dans mon fond le plus ténébreux
Me remplit comme un vers nombreux
Et me réjouit comme un philtre.
Elle endort les plus cruels maux
Et contient toutes les extases
Pour dire les plus longues phrases,
Elle n'a pas besoin de mots.
Non il n'est pas d'archet qui morde
Sur mon coeur, parfait instrument,
Et fasse plus royalement
Chanter sa plus vibrante corde.
Que ta voix, chat mystérieux,
Chat séraphique, chat étrange,
En qui tout est, comme en un ange,
Aussi subtil qu'harmonieux.
CHARLES BAUDELAIRE
UNE FEMME EST L'AMOUR
Une femme est l'amour, la gloire et l'espérance
Aux enfants qu'elle guide,à l'homme consolé
Elle élève le coeur et calme la souffrance.
Comme un esprit des cieux sur la terre exilée.
Courbé par le travail ou par la destinée,
l'homme a sa voix s'éleve et son front s'éclaircit,
Toujours impatient dans sa course bornée,
Un sourire le dompte et son coeur s'adoucit.
Dans ce siècle de fer la gloire est incertaine :
Bien longtemps à l'attendre il faut se résigner
Mais qui n'aimerait pas, dans sa grâce sereine,
La beauté qui la donne ou qui la fait gagner ?
GERARD DE NERVAL